jeudi 21 septembre 2017

Monastère de Yuste : Charles Quint, ambassadeur touristique ?


            Je vous propose de commencer une série qui se penche sur les grands monuments religieux de la région qui ont vu le jour ou ont connu un renouveau grâce à une volonté royale. La première étape de ce circuit s’inscrit dans la rubrique « A deux pas de la Castilla y Leon » puisqu’il faut passer la frontière qui sépare la région de l’Estremadure au niveau de la Sierra de Gredos. Je vous propose de découvrir un monastère qui doit sa célébrité à Charles Quint, dont il fut la dernière demeure, direction Yuste ! (Les photos sont interdites à l’intérieur durant la visite ce qui explique la pauvreté de l'article dans ce domaine)  

            Si nous connaissons bien les grands ordres religieux comme les jésuites, les bénédictins, les carmélites, les dominicains, il existe une multitude d’ordres de plus petite envergure. Les hiéronymites sont de ceux-ci, appartenant à l’Ordre de Saint-Jérôme né au XIVe siècle, ces moines sont implantés en Espagne. Un petit groupe de moines s’installe au XVe siècle dans la région de Yuste, d’abord dans un ermitage. Suite à un conflit avec l’évêque local ce groupe indépendant rejoint l’ordre de Saint Jérôme, pour assurer la pérennité de leur communauté.


            Le monastère a donc un siècle et demi d’existence quand il se trouve lié à la royauté. En effet Charles Quint vieillissant décide de partir à la retraite, il passe la main à son fils Philippe II. Et comme de nombreux retraités d’aujourd’hui il décide de changer de mode de vie. Là s’arrête la comparaison contemporaine. A cinquante-cinq ans Charles Quint n’est donc plus roi d’Espagne mais continue à veiller sur les affaires en s’installant dans un monastère. Son fils ne voit pas d’un bon œil cette installation car il craint que son père tombe malade dans cette région infestée par la malaria. Depuis Bruxelles jusqu’à Yuste le voyage de Charles Quint est une sorte de dernier tour de piste, de l’homme qui fut le plus puissant du monde durant plusieurs décennies. Ce long voyage dans la partie espagnole de l'empire fut l’occasion de cérémonies et certains monuments érigés à l’occasion sont encore visibles, par exemple l’arc Santa Maria de Burgos. Arrivé en Cantabrie, par bateau, il a parcouru des centaines de kilomètres à cheval. Aujourd’hui encore cette route fait l’objet de reconstitutions, avec une arrivée en costume d’époque à Yuste.
            De l’intérêt de Charles Quint pour les lieux, le monument retira le statut de monastère royal. Celui-ci avait été largement aménagé pour accueillir le souverain, et les personnes qui l’accompagnaient, dont une petite soixantaine de domestiques. En effet pas question que le monarque s’installe dans une simple cellule de moine comme le souligne Michel del Castillo dans son dictionnaire amoureux de l’Espagne. On peut, à l’occasion de la visite, découvrir ce logement, meublé en partie, et qui permet d’imaginer ce que pouvait être devenu l’homme de cinquante-huit ans qui devait mourir dans ces murs de la malaria, le 21 septembre 1558. Son corps resta un temps dans cette dernière demeure. Aujourd’hui, suite à une décision de son fils il repose à l’Escurial, avec les autres rois d’Espagne. Deux événements marquent le séjour à Yuste. Premièrement, c’est là que Charles rencontre un jeune garçon, Don Juan, son fils illégitime, auquel il assurera une place confortable à la cour. Deuxièmement, on relate que Charles Quint y aurait assisté à son propre enterrement, mais il semble que ceci relève plutôt de la légende.    


            Mais la vie du monastère ne s’est pas éteinte avec celle de Charles Quint, qui n’occupa les lieux que deux petites années finalement. Comme beaucoup de monuments c’est la guerre d’indépendance qui va être la première menace grave pour sa sauvegarde. En 1809, les moines quittent les lieux suite au passage des troupes napoléoniennes. Profanations et incendies ont alors largement dégradé le monument. La confiscation des biens de l’Eglise en 1835 est une double peine pour le monastère. A partir de là, le monastère va peu à peu, au fil de ses propriétaires, s’abîmer dans l’oubli et l’abandon. Diffèrents grands auteurs, comme Unamuno, témoigneront de l’état de ruine dans lequel est plongé l’ancienne demeure de Charles Quint.   
            Il faut attendre 1941 pour qu’on s’intéresse à nouveau au monastère. Commence alors un long chantier de restauration, qui ne s’achève que dix-sept-ans après. Le monastère était sauvé, les moines y reviendront. Néanmoins il a fallu continuer à entretenir le monastère, et les restaurations ont encore eu lieu dans les années 2000, avec des réfections de la toiture, des sols, des drainages…


            Aujourd’hui, dans la superbe vallée du Jerez, le site touristique de Yuste est un atout indéniable, il s’y est pressé plus 100 000 visiteurs durant l’année 2016, et le chiffre est en constante augmentation. Une des explications de ce succès repose sur différents phénomènes dont un qu’il faut souligner, la série Carlos el rey emperador, qui a déjà été évoqué sur ce blog. Elle a relancé l’intérêt pour ce personnage historique et donc pour ses lieux de vie. Une partie des scènes a été tournée dans le monastère en 2015.
            Cette visite inattendue dans mon voyage a été une très belle découverte, je ne peux que vous la conseiller, mais n’arrivez pas trop tard, comptez minimum une heure et demie pour la faire sans vous presser.
            A bientôt  pour une visite à Ségovie 

PS : Charles Quint vous intéresse, découvrez le compte rendu de lecture "Charles Quint, empereur des deux mondes" de J. Perez
             

Quelques sources  :

            AMARA P. « El último viaje del Emperador » in eldiario.es le 10 janvier 2015
            DEL CASTILLO M. « Charles Quint » in Dictionnaire amoureux de l’Espagne, 2005
MARTIN LOBO M « ...Y Yuste resucitó » in elperiodicoextremadura.es  le 24 octobre 2008

PRUNELL A. « Charles Quint à Yuste » in 101 scènes pittoresques de l'histoire d'Espagne, 2017

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