vendredi 18 août 2017

La Real Fábrica de Cristales : un projet européen, des ouvriers aux étudiants

            

Si je vous ai déjà présenté Riofrio dans la province de Ségovie, un autre site royal est particulièrement intéressant et se situe tout près de la capitale de province. A côté du célèbre Palais de la Granja, on peut visiter l’ancienne fabrique royale de verre. Cette jolie visite satisfera autant les amateurs d’art, les passionnés du patrimoine industriel, et tout simplement les amis de l’histoire. Je vous emmène visiter La Real Fábrica de Cristales de La Granja de San Ildefonso, à l’ombre du « petit Versailles espagnol ».


            Les rois d’Espagne ont été les soutiens de l’industrie du pays et des technologies de leur époque. Je vous l’avais déjà démontré avec la fabrique des monnaies de Philippe II. Le château de la Ganja est l’œuvre de Philippe V, venu de France. C’est donc au début du XVIIIe que naît la fabrique de verre dans les années 1730 à deux pas du Palais royal lui aussi en construction. Les Bourbons se servent de leur pouvoir et de leurs relations pour recruter les meilleurs artisans d’Europe. Venus de France, d’Allemagne, de Bohème, ces hommes apportent avec eux le meilleur du savoir-faire européen dans le domaine. Après moins de cinquante ans d’existence un incendie ravage la fabrique en 1770.


            C’est à cette occasion qu’est construit le bâtiment actuel. Sous la direction de Joseph Diaz Gamones, fils d’un des architectes de la cathédrale de Ségovie, la fabrique sort de terre en une quinzaine d’années. Construite sous l’impulsion de Carlos III, un des trois fils de Philippe V à monter sur le trône, elle annonce l’âge d’or de la manufacture royale.  Il faut l’aide de la couronne pendant de longues périodes de l’existence de la fabrique. Sa réputation dépasse les frontières de l’Espagne et devient internationale. Certains problèmes d’approvisionnement laissent un moment penser à transférer la fabrique à Coca, finalement une succursale sera ouverte dans la petite ville. Rappelez vous que cette ville est très portée sur le travail du bois, son château est désormais une école professionnelle.


            1808, la guerre d’indépendance interrompt la production de la fabrique, qui ne reprendra son activité normalement qu’en 1815. Mais les difficultés que connaît alors la fabrique forcent la couronne, pour la survie économique de la manufacture, à la louer à une entreprise privée à partir de 1829. Elle changera plusieurs fois de dirigeants, avant d’être entre les mains de l’entreprise française Saint Gobain, en 1911. Fondée par Louis XIV, c’est donc une entreprise qui connaît la même origine royale que celle de la Granja qui reprend les rênes de l’industrie espagnole, et en fait à nouveau une référence. Mais à la fin des années 1960, Saint Gobain préfère construire un peu plus loin de la ville une nouvelle usine plus moderne, et abandonne les lieux. Une fabrique moderne existe donc toujours à quelques kilomètres de celle que nous visitons, passée dans le giron d’un autre groupe international en 2007.


            Revenons à l’ancienne fabrique, durant l’année 1982, les bâtiments abandonnés voient finalement une fondation naître pour les sauver et les mettre en valeur. En 1988 les bâtisses sont consolidées et ouvrent au public à la fin du mois de septembre. En 1997 la fabrique est enfin déclarée Bien d’intérêt Culturel, une première assurance de sa conservation. Aujourd’hui le complexe abrite évidemment un musée, une salle d’exposition temporaire et une boutique. Ce n’est pas tout, la bâtisse accueille aussi l’école supérieure du verre, depuis 1998, intégrée dans le système européens des études supérieures avec équivalence de grade et programme Erasmus. A cela s’ajoute une bibliothèque sur le thème du verre. On continue aujourd’hui à y fabriquer des pièces artisanales et à y conduire des restaurations pour les œuvres plus anciennes.


            L’intérêt du musée repose à la fois sur la visite de la bâtisse et dans la découverte des pièces exposées. Il a, intelligemment, été fait le choix de parler du verre sous toutes ses formes et non pas la plus noble seulement, les objets décoratifs. On découvre les anciennes machines de fabrication des pavés de verre, celles de production des éléments en verre des pièces du réseau électrique, celles aussi des isolants en laine de verre… Les espaces d’exposition temporaire permettent de découvrir, par exemple, le travail d’artistes contemporains sur cette matière particulière. Enfin un petit espace est consacré à une famille de maîtres verriers spécialisés dans les années 1950, à Madrid, dans les vitraux.


            Je ne peux donc que vous conseiller cette visite, peut-être aurez-vous plus de chance que moi et assisterez-vous à des démonstrations du travail du verre qui se produisent parfois. Tant qu’à venir visiter le palais, autant faire la fabrique, cela offre une journée de visite à la Granja. Pour découvrir la collection des verres de la fabrique vous pouvez aussi vous rendre au Palais épiscopal de Ségovie qui en conserve un certain nombre.



            A bientôt      

Sources :
           
MARTIN A. « Una antológica del vidrio de La Granja, abierta al público » El Pais, 30 septembre 1988

MARTIN A. « La Granja alberga la primera escuela universitaria del vidrio en Europa » El Pais, 4 novembre 1997

PABLOS (de) E. «La Real Fábrica de Cristales de La Granja : museo, escuela, centro tecnologico y de servicios » in Actas de los VIII Cursos Monográficos sobre el Patrimonio Histórico, Reinosa, julio-agosto 1997


            RUIZ ALCON M., Vidrio y cristal de La Granja, CSIC Press, 1985



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire