mardi 6 octobre 2015

Agapito Marazuela et la musique, rencontre avec un artisan de la mémoire


                Je vous emmène aujourd’hui dans le quartier juif de Ségovie, que je n'ai presque pas exploré sur le blog pour l’instant. Je ne vais pas évoquer une partie du patrimoine lié à cette culture comme la synagogue mais une statue qui m’a surprise. Elle ne m’a pas vraiment plu, mais comme le nom du personnage représenté ne me disait rien, je suis allée faire quelques recherches. Autant je suppose que les noms de Machado, du Cid ou de Suarez, pouvaient vous évoquer quelque chose, autant celui de Marazuela risque de ne pas vous rappeler quoi que ce soit. Eh bien aujourd’hui je vous emmène rencontrer ce monsieur.
                Fin du XIXe siècle, un jour d’octobre 1891, dans un petit village du nom de Valverde de Majano (1000 habitants), un enfant voit le jour, Agapito Marazuela. Il grandit bercé par la musique, et son attirance pour cet art est renforcée à l’âge de sept ans. En effet une opération laisse aveugle de son œil droit et endommage sa vision du côté gauche. Il va donc peu à peu favoriser l’apprentissage par l’écoute, car la lecture est un exercice difficile suite à son handicap. A l’âge de treize ans il part à Valladolid pour se perfectionner dans l’art de la dulzaina ( Instrument à vent, dans le style de la flute, il est très répandu en Castilla y León.). Son maître de musique Angel Velasco révolutionna l’instrument en l’améliorant techniquement. Dans les années 1920 il part s’installer à Madrid. Il touche à d’autres instruments, il se met notamment à la guitare. C’est cet instrument qui va le porter le reste de sa vie.
A partir de 1934, il commence à compiler les œuvres traditionnelles de sa région, chants religieux, musiques des bergers… Son expertise le mène par exemple à l’exposition universelle de Paris en 1937, où Picasso présente Guernica. Il y dirige des groupes de danseurs qui représentent la Castille. Mais en 1939 le musicien est emprisonné à cause de ses convictions politiques, il a participé aux Milices Antifascistes Ségoviennes à Madrid. Trente ans après le début de ses recherches musicales, en 1964, le résultat de cette étude sera publié sous la forme d’un livre qui remportera un grand succès. Quand il meurt en 1983, à Ségovie, le monde a changé, le village où il est né a vu le nombre de ses habitants divisé par deux, mais il a gravé dans la mémoire ce qui aurait pu disparaître pour toujours. Il laisse aussi à la ville une école de dulzaina. Son travail sur le folklore reste une référence en la matière.
                En 2002 la ville décide d’inaugurer une statue en son honneur, réalisée par le sculpteur José María García Moro (1933-2012). Ce n’est pas la première fois que cet artiste représente le maître du folklore castillan, il a en effet réalisé le trophée à son effigie pour le prix du folklore européen. Au fil des années la statue est devenue un lieu d’hommages répétés au célèbre musicologue. Parfois il est honoré pour sa facette de musicien, parfois pour celle de l’engagé politique. La statue est comme coupée en deux, choix artistique étrange, mais dans lequel, j’ai envie de voir l’évocation de ce double rôle du personnage, intellectuel et homme de son temps. On ne peut pas considérer un de ces aspects sans l’autre, du moins c’est une de mes hypothèses.   


                Une rencontre énigmatique pour moi, qui suite à la rédaction de cet article, devient particulièrement intéressante. Le patrimoine n’étant pas que dans la pierre, j’incite toutes les personnes amatrices de musique et de la région à consulter les travaux de Marazuela et à se promener sur internet où textes et videos sur le personnage foisonnent.
                Bonne écoute et rendez-vous dans trois jours pour un autre article    


CABANAS BRAVO Miguel, Arte en tiempos de guerra, Editorial CSIC, 2009

MARTIN Aurelio, « MONUMENTO A AGAPITO MARAZUELA », El Pais, 25 février 2002 [Disponible en ligne, consulté le 29 septembre 2015]

VEGA SOMBRIA Santiago,  « Un poco de historia de Antonio Marazuela », Elnortedecastilla.es, 8 décembre 2012 [Disponible en ligne, consulté le 28 septembre 2015] 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire