lundi 16 juin 2014

El Escorial : Château, monastère, tombeaux... les multiples visages du monument de Philippe II


            En 1977 mes parents visitaient pour la première fois l’Escorial, je faisais de même 34 ans plus tard, en partant visiter le célèbre château, situé à moins de cinquante kilomètres de Madrid. Pourquoi ce court historique ? En 2011 les photos à l’intérieur étaient interdites, je suis donc retournée chercher les diapos des années 1970 pour illustrer mon article. Rassurez-vous, rien n’a vraiment changé, et les photos, que je vous propose, sont fidèles à ce que vous pourrez découvrir pendant votre visite. Je fais ici une exception à l’esprit du blog car L’Escorial se situe en réalité sur la communauté de Madrid, mais historiquement il s’inscrit dans l’histoire de la région et méritait donc un article.    


Salle des batailles
            A la fois château et monastère l’immense bâtisse fut édifiée par Philippe II, fils de Charles Quint, comme panthéon pour la famille royale. Sa victoire en 1557, à Saint-Quentin, le jour de la Saint Laurent, est à l’origine de la construction du monument, bien quelle ne débute réellement qu'en 1563. Elle se termine en 1585. C’est un lieu de retraite spirituel pour le roi, celui-ci y décède en 1598, mais c’est surtout un tournant dans l’histoire espagnole. La cour, encore itinérante, se fixe à Madrid, et la ville de Valladolid perd du même coup son statue de capitale du royaume, mais ceci est une autre histoire que nous avions évoquée lors de notre visite de la Casa de Cervantès. Dédier ce monument à San Lorenzo serait aussi un moyen de compenser la destruction d’une église, consacré à Saint-Laurent, qui avait eu lieu suite à la bataille de Saint-Quentin.


Le plan du monument serait l’œuvre de Juan de Toledo, l’un des principaux architectes, et reprendrait la forme de la grille de Saint Laurent, symbole de son martyre. En 1567 Juan de Herrera prend la suite du chantier suite au décès du premier architecte. Le nombre de moines a alors doublé ce qui le pousse à apporter des modifications. Philippe II est très impliqué dans le chantier, il tente même d’innover dans les techniques de construction et dans son organisation. Ainsi il sera un des premiers à suggérer le transport de pierres déjà taillées plutôt que le transport de blocs bruts. On frôla une révolte sur le chantier mais le choix du roi s’imposa. Le caveau royal sera l’œuvre de ses successeurs, Philippe III, son fils, et Philippe IV, son petit-fils. Ici reposent les souverains, et les reines qui ont donné naissance à un roi. Le caveau des infants est beaucoup plus tardif puisqu’il date du XIXe siècle, nous allons en reparler. Les successeurs de Philippe furent moins attachés au château et ne l’utilisèrent que comme résidence d’été.

Ici reposent les rois d'Espagne depuis Charles Quint
Tombeaux  de membres de la famille royale 


En 1671 un important incendie oblige à effectuer de nombreuses rénovations, au niveau des toits notamment. Le début du XIXe siècle justement fut une période assez sombre pour l’Escorial qui fut délaissé par la famille royale. En 1808 Napoléon, encore lui, occupe le bâtiment, comme il l’a fait au Couvent de las Huelgas ou au château de Coca. En 1886 le tombeau des Infants est enfin terminé. En 1984 le château est classé au patrimoine mondial de l’humanité. Aujourd’hui le monastère accueille 28 religieux.  


Vous ne visiterez pas les 15 cloîtres, ni ne verrez les 88 fontaines, pas plus que vous n’explorerez les neuf tours… L'immense bâtiment est toujours utilisé par les moines, mais l’espace accessible au public est déjà très vaste. Un des lieux que j’ai le plus apprécié c’est la salle des batailles dont les fresques sont époustouflantes. Vous serez aussi, j’en suis convaincue, impressionné par l’importante collection de tableaux. Ici, vous rencontrerez des grands noms de la peinture, comme Rubens où Véronèse. Pour ce qui est de la basilique, je n’ai pas pu la visiter car une messe y était donnée mais ce que j’ai pu en apercevoir m'a laissé supposer qu'elle doit être très belle. L’immense bibliothèque laisse évidement pensif, et on ne s’étonne que de nombreux chercheurs y aient trouvé de précieux manuscrits aussi bien de facture occidentale, que d’influence arabe. 
            L'Escorial s'inscrit aussi dans l'histoire européenne. En effet l’arrière-petit fils de Philippe II eut à son tour l’envie de construire un château, moins austère certes, mais grandiose puisqu’il s’agit de Versailles. Et puisque cela semble de famille, le petit-fils de Louis XIV, devenu roi d’Espagne, laissa à son tour sa trace dans le patrimoine du pays en faisant bâtir la Granja de San Ildefonso à une cinquantaine de kilomètres au nord de L’Escorial. La boucle n’était pas tout à fait bouclée car au XXe siècle, à quelques kilomètres du château/monastère de Philippe II, Franco ferait construire son monumental tombeau, dans la Vallée de los Caïdos.
            La visite est assez chère, 10€, hors tarif réduit (mineurs, étudiants, familles nombreuses). Mais je vous renvoie à mon billet sur les visites gratuites pour découvrir les jours où, chaque semaine, la visite est accessible sans débourser un euro. La visite peut aussi bien se faire si vous découvrez la Castilla y Leon, ou bien être une excursion d’une journée lors d’un séjour à Madrid. Moment clé de l’histoire de la région car il s’inscrit dans la sédentarisation de la famille royale à Madrid et dans ses alentours, monument symbolisant l’alliance entre la monarchie et l’Eglise, il reste incontournable pour comprendre l’histoire du pays.  



            Un article qui réfléchit, entre autres, aux origines du château et aux motivations du roi : 
Bayon Damian. L'Escorial est-il bien « espagnol » ? In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 17e année, N. 1, 1962. pp. 23-45. 
           Et un autre article retraçant le parcours d’un acteur de la construction de l’Escurial : 
Aubrun Charles-V.. Renée Corneille, Fray Antonio de Villacastin, maître maçon del'Escurial, Bulletin Hispanique, 1958, vol. 60, n° 3, pp. 392-393


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