mardi 25 juillet 2017

Le palais de Riofrio : Un lot de consolation ?


Photo 2012

            Je vous propose, dans ce premier article suite à mon retour de voyage, de visiter le Palais de Riofrio. A deux pas de Ségovie, le palais ne semble pas connaître le même succès que son grand frère, le château de la Granja de San Idelfonso. Il n’a pas la chance non plus d’être surnommé « le petit Versailles espagnol », ni d’avoir d’aussi beaux jardins. Pourtant on aurait tort de ne pas en parler et surtout de le considérer comme moins intéressant que celui de la Granja. Malgré, parfois, une apparence austère, il abrite des appartements royaux luxueusement décorés et largement meublés. Vous ne les verrez pas sur le blog puisque, sans raison apparente, les photos sont interdites.

            Situé au milieu d’un grand domaine autrefois dédié à chasse, le château n’est pas vraiment mis en valeur. Les alentours assez nus et le palais un peu terne cachent une longue histoire teintée des ambitions des différents bénéficiaires des lieux. L’origine de ce palais n’est pas le souhait d’un roi espagnol mais d’une italienne, Isabelle Farnèse, femme du roi d’Espagne Philippe V, un français, petit fils de Louis XIV. Seconde épouse du roi, elle va faire de Riofrio son refuge. Quand la construction du palais est lancée en 1752, elle est déjà veuve depuis près de six ans. La reine espère ainsi échapper à la cour. Elle avait d’abord privilégié la Granja où s’était réfugié Philippe V en 1724 après son abdication. Il avait repris finalement le pouvoir après le décès de son fils Luis, issu de son premier mariage. C’est son deuxième fils, Fernando, qui lui a succédé à son décès, privant Isabelle, sa belle-mère, du pouvoir qu’elle avait acquis à la cour. Pour ses fils, surtout son aîné Carlos, nés de son mariage avec le roi, elle construit donc le projet pour garder la main sur le pouvoir, et un palais personnel lui semble essentiel.

Photo 2017

            Originaire de Parme, Isabelle met aux commandes de ce projet des italiens, dont l’architecte Vigilio Rabaglio. On trouve aussi le Marquis de Scotti, courtisan à qui on doit en partie le rose particulier de la façade et le vert des fenêtres[1]. Malheureusement le premier architecte jette l’éponge devant les paiements aléatoires. Trois autres architectes s’attelleront tour à tour au chantier jusqu’en 1767. Cette année-là Isabelle Farnèse décède, sans que son palais soit terminé, non sans avoir vu Carlos monter sur le trône quelques années auparavant, ce qui lui importait sûrement plus que l’architecture italienne. Ainsi les alentours ne seront jamais aménagés comme le prévoyait le projet initial, avec jardins et fontaines.


            En 1784, le fils d’Isabelle de Farnèse, Carlos III, embauche un nouvel architecte[2] pour terminer les travaux. Mais à peine trois ans plus tard ce dernier décède, et le roi le suit dans la tombe un an plus tard. La construction est à nouveau interrompue, et abandonnée. Le palais n’intéresse plus grand monde, il devient, en quelque sorte, le grenier des familles royales qui y stockent les meubles non utilisés des différentes demeures. 

            Ce sont deux hommes qui vont lui redonner de la splendeur durant le siècle suivant, bien que le projet d’Isabelle Farnèse ne soit jamais repris pour être achevé. L’époque a changé, les ambitions et les modes de vie aussi. Le premier Francisco d’Assise, rien à voir avec le saint, est roi consort d’Espagne, marié à Isabelle II en 1846. De ce mariage naîtront onze enfants dont seuls quatre atteindront l’âge adulte, parmi lesquels le futur roi Alphonse XII. Bien que mort en France, Francisco repose aujourd’hui à l’Escorial. Mais le château qui a marqué sa vie est bien Riofrio. C’est à lui qu’on doit la décoration du palais, visible aujourd’hui, Il s’y réfugie loin de sa femme, la reine, connue pour prendre des amants. D’un mariage malheureux entre deux cousins germains, d’une femme, reine trop tôt, dans un monde politique agité, et d’un homme, connu pour son homosexualité, dans une époque où les mariages de raison dominent, nous avons donc hérité de ce palais. Repris, sauvé peut-être, pas le roi consort, le palais témoigne des goûts de l’époque, petit salon, salle de billard, grande salle à manger. Enfin au cours des années où le château fut moins utilisé, il garda toujours la fonction de pavillon de chasse.  
            C’est encore un malheur qui va maintenir le palais dans le giron royal. Le fils d’Isabelle II, Alphonse est frappé par un deuil qui l’affecte beaucoup. Son épouse vient de mourir suite à une fausse couche, la jeune princesse d’Orléans n’avait que dix-huit ans. Le roi est alors fiancé à sa belle-sœur qui décède avant même que le mariage n’ait pu être célébré. S’il finira par se remarier l’année suivante, durant ce triste été 1878, il trouve refuge dans le palais qu’avait décoré son père. Parmi les pièces reconstituées on trouve la chambre qu’occupa le souverain lors de son passage.             
            Les troubles politiques de la première moitié du XXe siècle font passer Riofrio à l’arrière-plan des préoccupations. C’est en 1965 que quelques salles du palais sont ouvertes au public. Le musée de la chasse ouvre, sous sa forme actuelle en 1970[3]. On y trouve de tout, trophées de chasse, animaux empaillés, armes, il rappelle ainsi le rôle de terrain de chasse qui fut longtemps dévolu aux 600 hectares de la propriété royale.


            En 2015 le palais rentre dans un grand programme de rénovation. Le monument reçoist environ 80 000 visiteurs par an, à l’heure où la Granja en reçoit 316 000. C’est un véritable fossé touristique qui sépare les deux palais royaux distants d’une quinzaine de kilomètres. Mais il suffit de faire un tour à l’office de tourisme de Ségovie, ou sur les différents sites traitant de la région, pour comprendre que seule la Granja est mise en avant. Pourtant les deux sites sont complémentaires, et un billet combiné par exemple serait bienvenu pour inciter les visiteurs à découvrir Riofrio. Si la phase de restauration offre à voir aujourd’hui de magnifiques pièces du palais, auxquelles s’ajoutent des pièces d’architecture comme l’escalier à l’italienne, on sent que le site a encore du travail pour devenir une attraction touristique de premier ordre. Pourtant le palais est aussi un formidable musée d'art avec des centaines de tableaux des plus grands maîtres. L’ouverture d’une cafétéria et d’une boutique souvenir, sont autant de projets qui montrent la volonté, pour l’horizon 2020, de changer les choses. En plus du palais, profitez, lors de votre traversée du domaine, de la vue sur le parc, vous apercevrez peut-être quelques-uns des nombreux cervidés qui y vagabondent librement.
            A bientôt pour d’autres découvertes.              
             

[1] HERNANDEZ FERRERO J. « La couleur des palais royaux espagnols du xvie au xviiie siècle » Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles, 2002
[2] HERNANDO CORDERO J. « Las edificaciones cortesanas del Sitio Real de Riofrio » , De Arte, 9, 2010, pp. 121-138
[3] « El Museo de Caza del Palacio de Riofrío cumple cuarenta años » eladelantado.com, le 29 septembre 2010

2 commentaires:

  1. J'adore les histoires de palais, celui ci a l'air fascinant !

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    1. Si tu as le temps un tour sur google te permettra de découvrir les intérieurs

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